• Miguel Martinón

    Poèmes


    TRACÉS

    Impromptu

     Regarde naître la lumière
    elle vient de la terre
    des volcans elle jaillit au loin
    monte bleue de la mer
    la voilà qui monte
    monte de la plage
    autour des palmiers de l'allée
    jusqu'à l'ombre de la terrasse
    où tu approches la tasse
    de tes lèvres
    et je te regarde regarder
    la lumière qui surgit
    dans l'air
    tout autour des palmiers
    s'élève de la mer
    des volcans qui demeurent ocres
    dans l'étendue d'avril

      Trajet

     Sur le volume des maisons
    croisent les bateaux tranquilles
    passent les palmes
    hautes les grues
    dressées dans la brise
    dans l'image sans éclat de l'heure
    qui se reflète sur la baie

     Par les rues éteintes
    d'autres regards descendent
    anonymes
    au fond de la soirée
                                          grise

     Lieu

     Dans l'enceinte humide l'eau
    ne cesse de jaillir
    parmi les tilleuls elle descend
    elle court rumeur fraîche
    vers le fond de l'été

     Assiégés de lumière
    les palmiers montent en flammes
    auprès de ces rochers
    découpés sur le silence bleu

     Dans le ravin
    d'autres voix muettes passent
    résonnent obscures dsans le bois
    qui s'élève invisible

      Image

     Végétal
    le regard parcourt la vallée
    absorbe silencieuse
    la fuyante clarté

     sur la terrasse
    suspendu il retient
    l'ardeur de la soirée

     poursuit le vol des oiseaux
    qui s'éloignent rapides
    jusqu'à l'ombre verticale
    que vont dire les mots

       Vision

     A l'ombre du pin
    je vois  couler le temps
    arrêté sur la place
    j'écoute la lumière
    la chaleur de l'heure haute
    sur le village silencieux
    son battement muet
    autour du pin
    qui crée l'espace intact
    de cet air
    l'ombre depuis laquelle je vois

                                        (Límites, 1995)

          Proximité lointaine

      1

     Tombé ici dans l'air
    profond je le regarde,
    je touche sans fin
    sa transparence

     Je marche sur l'eau qui tremble
    le sable de la plage
    je vais au bord de la lumière:
    je touche de nouveau
    le sel sur le rocher
    sur l'humble vert
    de la tabaiba

     De la scène de la mer
    s'élève
    translucide, impalpable
    la rumeur du temps

     2

     Je regarde l'air, je regarde l'heure
    qui coule bleue
    sur la mer

     Passent les mêmes barques,
    elles voguent arrêtées dans la même lumière

     Je touche le sein creux de l'instant:
    je marche à tâtons,
    les mains de leur désir
    poursuivent
    le vol blanc des nuages,
    l'ombre fugitive
    des mouettes

      3

     Ici, au bord, j'écoute:
    j'interroge le silence
    du jour,
    immobile je regarde à présent
    sous les eaux
    au-delà de la plage

     J'écarte les feuillages de la lumière:
    s'ouvrent
    les couches de l'air
    du temps,
    et j'entends la mer
    sourde qui bat
    dans une autre soirée
    contre les pierres du rivage,
    qui se brise sombre déjà
    sur les sables noirs
    de cet été

     4

     Je suis la limite des eaux,
    je pénètre dans cet air,
    dans ce midi
    fugace
    où brillent les corps
    nus sur la plage

     Je continue seul,
    je respire encore:
    je m'immerge dans la clarté,
    de ce maintenant
    successif, insaisissable

      Je vais au-delà
    je cherche sous la lumière:
    dans son centre étincelant
    passent
    des ombres


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  • Antonio Colinas
     

     

     LE LIVRE DE LA MANSUÉTUDE
     JEAN DE LA CROIX SOMMEILLE DANS LA PINÈDE D'ALMOROX


           D'abord, la fatigue du chemin le terrassa,
    le brasier du soleil sur les cimes.
    Ensuite, la pureté de l'air l'éveilla
    et, entrouvrant les yeux, il vit là-bas, très haut,
    un vol de cigognes.
    Plus tard, la prière s'ouvrit un chemin dans son esprit
    comme l'eau s'ouvre un chemin
    entre deux grossiers sillons.

          (Des années plus tôt il était passé dans ces mêmes montagnes.
    C'était alors l'hiver.
    On l'emmenait les deux mains liées
    d'une corde de sparte,
    et les yeux bandés,
    mais comme il sentait l'odeur de la neige!)

          A présent, quel été!
    les grillons l'endorment, les cigales,
    et il ne sent presque plus son corps entre les pins.
    Et, pourtant, comme elle est réelle la terre,
    comme elle est douce la pierre qu'il a pour oreiller,
    cette tombe d'oubli dans la pinède de la persécution.
    Comme il comprend bien le monde dans cette paix sublime!

          Il attendra la nuit
    pour sentir de nouveau la soif des chemins,
    cette profonde soif du non savoir sachant.
    Pour découvrir le sentier égaré
    ses yeux s'enfonceront dans l'obscur
    comme dans un buisson d'épines.


     NOCTURNES

        I

          Me voici marchant de nuit dans les rues
    d'une ville ancienne et secrète.
    Je marche et, en même temps, je me perds
    comme dans un labyrinthe de pierre et de nostalgie.
    Me voici marchant entre deux femmes.
    L'une a les cheveux très noirs.
    L'autre a les yeux très bleus.
    Mais je ne pense qu'à celle qui dort
    avec le parfum des narcisses,
    entre brumes et phares,
    là-bas sur l'autre rive de la mer des dauphins.

     II

          Maintenant tu dois être là, près de la place
    de mon enfance, celle des rêves certains;
    maintenant que c'est l'hiver et qu'il n'y a plus
    les acacias d'alors, les musiques d'alors.
    Mais tu pourras voir encore les mêmes ciels
    froids et d'un bleu phosphorescent
    sur les mêmes coupoles et les mêmes tours.
    Et la fontaine, pleine de neige ou de givre,
    reflétera peut-être des étoiles profondes
    comme toi et lointaines
    comme moi.
    ce sont les mêmes qu'alors, celles glacées
    et pures de ton enfance et de mon enfance.
    En elles reconnais-toi, en elles
    reconnais-moi maintenant que je ne suis pas là;
    Nous autres
    nous sommes ici à jeter le temps
    --
     la place et sa fontaine, la neige des astres--
    dans le brasier de ton absence.

     III

          Perdons-nous plus loin, plus loin encore,
    dans les collines aux pierres de bronze,
    dans les montagnes noires de septembre,
    et leurs vallons où
    bientôt les peupliers vont lever leurs brasiers.

          Perdons-nous ou laisse-moi me perdre
    en toi, ou peut-être derrière les murets,
    de bronze aussi,
    de ce tout petit jardin.
    Derrière je vois un noyer
    et à son ombre nous pourrions trouver
    ta paix et la mienne.

          Emmène-moi, amène-moi, ou perds-moi
    dans cet amer et doux pays qui est le nôtre,
    mais en ce crépuscule d'été moribond
    ne me chasse pas du labyrinthe sans issue
    de tes yeux.

     IV

     Tu dors comme dort la nuit:
    avec du silence et des étoiles.
    Avec des ombres aussi.
    Comme les montagnes sentent le poids de la nuit,
    tu sens aujourd'hui ces peines
    que le temps nous réserve:
    doucement, paisiblement.
     Les ombres ont plu sur toi,
    mais tu es là, étreignant sur l'oreiller
    (dans une nuit noire)
    toute la lumière du monde.
    Je pense que la nuit, comme la vie, cache
    misères et terreurs,
    mais tu dors à l'abris,
    car dans ton cœur tu portes un brasier d'or:
    celui de l'amour qui brûle de plus d'amour.
     Grâce à lui poussera encore dans le monde
    la forêt de la douceur
    et les planètes continueront à tourner
    doucement, très doucement, sur tes yeux,
    faisant cette musique
    qui sur ton visage efface l'idée de la douleur,
    chaque douleur du monde.

          Tu reposes dans le blanc
    comme dans le blanc tombe paisiblement la neige.
    Tu dors comme dors la nuit
    sur le visage serein de cette fillette
    qui ignore encore
    cette douleur qui l'atteindra
    quand elle sera une femme.

          Une autre nuit,
    la neige de ta peau et de ta vie
    reposent miraculeusement près
    d'un éclat de flammes,
    de l'amour qui brûle de plus d'amour.
    Celui qui te sauvera.
    Celui qui nous sauvera.

     LA FLAMME

            Aujourd'hui je commence à écrire comme qui pleure.
    Non de rage, ou de douleur, ou de passion.
    Je commence à écrire comme qui pleure
    comblé de plénitude,
    comme qui porte une mer dans son cœur,
    comme si l'œil contenait toute
    cette immense ruche qu'est le firmament
    dans sa brève pupille.

          Je m'enflamme pour des plénitudes passées
    et pour celles d'aujourd'hui je me tais.
    Je pleure parce que j'ai près de moi une femme,
    pour l'eau d'une montagne
    qui bruit entre les cyprès quelque part en Grèce;
    je pleure parce que dans les yeux de mon chien
    je trouve l'humanité, pour l'emportement
    d'une musique que peut-être nous ne méritons pas,
    pour avoir dormi tant de nuits en un calme profond
    sous l'icône et dans son éclat d'or,
    et pour la mansuétude de la bougie,
    qui n'est que cela, une flamme.

          Je commence à écrire et l'écriture elle aussi
    pleure, parce qu'elle respire et brûle, parce qu'elle passe.
    Quel plaisir de me sentir
    moi-même ce mot qui brûle.
    (Car moi aussi je brûle, moi aussi je passe.)

          Je contemple une flamme très douce dans la pénombre
    de paisibles jardins,
    aux rives d'une mer calme et ancienne,
    peu à peu je m'enflamme du bonheur
    de savoir qu'il n'y a pas d'autre vérité
    qui ne soit cette flamme, c'est-à-dire
    celle de l'amour qui donne et qui condamne.

          Les mots sont des flammes et les yeux sont des flammes
    qui pleurent sans pleurer pour l'être que je fus
    (ce feu las qui tremblait auprès
    d'autres jardins d'une autre mer)
    et pour l'être qui à présent reste à regarder
    fixement une flamme
    et qui, en solitude, est la flamme la plus joyeuse.

     

    Né an 1946 à La Bañeza, (province de León). Il est l'auteur d'onze livres de poésie. En 1975, il a obtenu le Prix de la Critique pour Sepulcro en Tarquinia -- “Sépulcre de Tarquinia” -- et, en 1982, le Prix National de Littérature pour l'ensemble de son œuvre poétique. Romancier, narrateur, essayiste, biographe, il est aussi traducteur des grandes voix de la poésie italienne (Leopardi, Lampedusa, Quasimodo, Sanguinetti) et, en français, de Rimbaud (Les Illuminations).

                    Considéré avec Pedro Gimferrer et Jenaro Talens comme l'un des principaux représentants de la génération des années 70, son long trajet d'écriture l'a conduit à la simplicité maîtrisée de son dernier livre, Libro de la mansedumbre-- “Livre de la mansuétude”-- (1997) où la parole poétique, inscrite dans la grande tradition européenne de la méditation, nous conduit, à travers le bruit et la fureur de cette fin de siècle, à l'expérience improbable et fragile de la sérénité



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  • Severo Sarduy (Cuba 1937-1993)
     
     DIZAINS

      

    Dans la soif et dans son ardeur

    qui s'apaise, crépusculaire,

    dans l'immense nuit insulaire,

    sur moi ton corps en sa tiédeur.

    Silencieux et spéculaire,

    le chiffre formé, symétrique,

    par le regard, la voix le sexe

    dans l'alchimie de l'identique:

    comme à l'envers ou en réplique

    au profond d'un miroir convexe


     *  

    Ni signatures, ni firmament,

    ni la mer et son gris serein,

    ni vestiges, songes, venin,

    plaisir, plainte, contentement.

    Tout est effacé par le vent

    et par sa poussiéreuse usure.

    Rien que de l'os. Mais l'armature

    minutieuse ne répète

    que le contour et que la tête:

    ongles et poils: cela seul dure.


      *   

    Avec le sang rentre la lettre.

    Comme l'amour. Mais l'écriture

    à travers corps à peine dure,

    et cette plaie ne peut pas être

    pour l'amant la paix. Il pénètre

    le corps de l'autre en son désir

    et il augmente son plaisir

    de sa douleur. Allégorie

    du jour ultime de la vie:

    hiéroglyphe prêt à pourrir.


     *

    N'aies pas recours au liniment,

    au camphre, au miel, à la salive,

    pour atténuer le moment

    le plus cuisant. On ne l'esquive

    par la feinte, on ne le dérive

    ce feu: il va se convertir

    en son contraire. Le plaisir,

    qui par le sentier inverti

    se laisse atteindre, divertit:

    vivre plus c'est plus fort mourir.

     

      *  

    Tu le vois bien: de cette braise

    dont t'a calciné la brûlure,

    toi rassasié, plus rien ne dure

    que la cendre qui se disperse.

    Muette inconstance qui presse

    contre elle le sens prétendu

    — ou de ton corps qui se reflète

    en l'autre peau. je ne regrette

    pas de brûler. Ni d'avoir pu.


     

       *     
                                             
    A Rafael Rosado
     

    Une épitaphe aux mots discrets                      

    et pourtant narquois, nous rapproche  

    devant le néant qui s'approche                       

    et n'a déjà plus de secret

    pour toi comme pour moi. Décret

    d'une déité attardée

    en sa vengeance... Dégradée,

    en cendres tu demeureras ;

    avec un caillot comme drap :

    morte mais non pas oubliée.

      


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  •  



    Emilio Prados, Espagne (1896-1962)

    Poèmes

    Corps poursuivi (1928-1929)

     II

    J'ai fermé ma porte au monde ;
    ma chair s'est perdue dans le rêve...
    Je suis resté en moi, magique, invisible,
    nu comme un aveugle.
    Jusqu'à l'extrême bord des yeux
    je me suis illuminé par dedans.
    Frémissant, transparent,
    je restais sur le vent,
    telle une coupe claire
    d'eau pure,
    comme un ange de verre
    dans un miroir.

    III

    Je voudrais être par où je suis passé
    comme une branche, comme un corps ;
    comme dans un rêve, comme dans la vie ;
    comme privé de front, et sans ombre ;
    comme une main, comme l'eau ;
    comme sur mes lèvres, comme dans l'air,
    là où je ne sais si j'ai été, ou vais être, ou suis,
    si l'arbre m'y a conduit,
    comme je ne sais si je suis, si je vais être ou peut-être serai,
    ou si tout est comme le ciel.
    Le seuil de mon sang
    s'est ouvert dans mon sang.
    Sans corps déjà mon corps
    traverse mon corps...
    Je voudrais trouver ma loi
    ma fonction également, comme l'air,
    ma blancheur également
    comme une lumière, une blessure,
    de même qu'une fatigue, un ange également.



    Jardin clos (1946)


    Trois nostalgies du jardin fermé

     I


    Soleil et plaines

     Les champs, les champs, et puis les champs...
    — Mais les oliviers ?
    (Et mon cœur rêvant.)

    Les champs, les champs, et puis les champs...
    (Qu'est-ce qui me poursuit, Dieu,
    qu'est-ce qui me poursuit ?)
    Les champs, les champs, et puis les champs...
    — Mais où la mer ?
    (Et mon cœur pleurant.)
    Les champs, les champs, et puis les champs...

    II


    Mont obscur

    Le soir tombe déjà...
    Et le vent :
    il secoue, secoue le romarin,
    le vent!
    — Ah! Qu'il est vaste
    tout le ciel sans le vent!


    La nuit vient déjà...
    Et le vent :
    il secoue, secoue le romarin,
    le vent!
    — Ah! Comme elle brille
    l'étoile sans le vent!
    La nuit est déjà dans le champ...
    (Qu'elle est lente
    l'eau qui va au fleuve,
    qu'elle est lente!)
    Et le vent :
    il secoue, secoue le romarin,
    le vent!

    III

    Les champs ouverts

    Sur l'olivier, la grive ?...
    — le silence dans les oliviers.

    — Et maintenant que nous sommes dans le rêve,
    je voudrais te dire, olivier...

    (La grive s'envole...
                                         les champs, les champs)


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  • Manuel Padorno, (Las Palmas, Grande Canarie, 1933-2002)  

    Pancanarie

    Le chien est là en-dessous de la flamme
    tout au fond du magasin, sous la chaux, audible,
    il aboie en-dessous, mange du sel,
    flamboie sous la paille fondue, il lèche
    l'animal là en bas fleuri et libre
    en-dessous de la pierre qui tombe, tiède,
    par-dessus le lit, pendant qu'il aboie
    il descend furieusement sur son flanc
    éclatant, océanique, en silence
    derrière, derrière, en-dessous de sa bouche,
    aboie muet, marche couché, gémit
    vers le chien éveillé dans le lointain,
    derrière le mur, mange lentement
    (il boit la mer le chien quand il renifle
    têtu) sous son oreille retombée
    affamé de salpêtre il boit la boue
    nocturne et terrestre, sort déchaussé,
    piétine, seul, la chaux bleue de la baie,
    sel éparpillé, grillé, et il tombe
    endormi pendant qu'il se lève, aboie
    muet profondément là vers le bas
    continental et canarien, le chien,
    il fume très longuement silencieux,
    il hurle en silence la lumière.
                      (El animal perdido todavía, 1987)




    La mouette extérieure

    Je suis descendu vers la plage ouverte
    je me suis baigné dans mon sel céleste
    (dans la flamme au dedans giratoire)
    dans l'éclat terrestre, terrien et mien
    et dans la mer, m'enfoncer lentement
    là-bas tout à l'intérieur du jour bleu
    au dedans de la plage qui s'ouvrait
    l'arbre de lumière, l'incendie haut
    immobile où la mouette fixe raye
    le cristal étiré de l'horizon ,
    fracasse la clarté éblouissante
    et sort, là-bas, à l'extérieur du jour.
                      (El animal perdido todavía)


    Arbre extérieur

    Devant dans toute sa force il y avait
    l'arbre que jamais on ne voyait. L'arbre
    dans la lumière, l'arbre blanc. L'arbre
    d'ascendance végétale lumineuse et visible.
    Seul visible par quelqu'un d'endormi.
    Quelqu'un qui palpe le sommeil du feu,
    la flamme d'eau, le tremblement de l'eau
    dans la végétation du jour profond et bleu
    (sans tronc, branches, ni fruits ni feuilles)
    là dehors sur la mer, dans l'incendie.
                      (El hombre que llega al exterior, 1989)




    La mouette, en dehors

    C'est un vol qu'on ne voit, qu'on n'entend pas,
    immobile, jamais encore on ne le voit,
    on l'ignore toujours, elle vole lente,
    immobile, sur la plage elle vole à présent
    première mouette solitaire, loin
    posée sur la ligne de la mer, immobile
    au-dessus de la roche éparpillée
    sur la baie, en moi, si lente
    c'est le vol qu'on ne voit, qu'on n'entend pas
    naturellement physique, visible, audible,
    de l'autre côté de la lumière, en dehors,
    en dehors de la lumière, aux intempéries,
    c'est un vol dans l'ignorance, ignée
    la mouette réelle, avec certitude
    c'est un vol sous la pierre: on ne la voit,
    ni ne l'entend. Elle vole là-haut.
    Par-dessus la plage une mouette blanche.
    Sur Peña la Vieja elle vole immobile
    le territoire le plus inconnu, dedans.
    La petite fille nue court dehors
    plage inconnue doucement et elle entre
    dans la mer, sous la vague lumineuse,
    l'air tranquille, la houle qui fleurit.
    Je regarde la plage. Une mouette vole
    claire parfaitement. Et ténébreuse.
    Je regarde la plage. Le soir tombe.
    Une mouette immobile dehors vole.
                       (El animal perdido todavía)



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