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Severo Sarduy
Severo Sarduy (Cuba 1937-1993)
DIZAINS
Dans la soif et dans son ardeur
qui s'apaise, crépusculaire,
dans l'immense nuit insulaire,
sur moi ton corps en sa tiédeur.
Silencieux et spéculaire,
le chiffre formé, symétrique,
par le regard, la voix le sexe
dans l'alchimie de l'identique:
comme à l'envers ou en réplique
au profond d'un miroir convexe
*Ni signatures, ni firmament,
ni la mer et son gris serein,
ni vestiges, songes, venin,
plaisir, plainte, contentement.
Tout est effacé par le vent
et par sa poussiéreuse usure.
Rien que de l'os. Mais l'armature
minutieuse ne répète
que le contour et que la tête:
ongles et poils: cela seul dure.
*
Avec le sang rentre la lettre.
Comme l'amour. Mais l'écriture
à travers corps à peine dure,
et cette plaie ne peut pas être
pour l'amant la paix. Il pénètre
le corps de l'autre en son désir
et il augmente son plaisir
de sa douleur. Allégorie
du jour ultime de la vie:
hiéroglyphe prêt à pourrir.
*N'aies pas recours au liniment,
au camphre, au miel, à la salive,
pour atténuer le moment
le plus cuisant. On ne l'esquive
par la feinte, on ne le dérive
ce feu: il va se convertir
en son contraire. Le plaisir,
qui par le sentier inverti
se laisse atteindre, divertit:
vivre plus c'est plus fort mourir.
*
Tu le vois bien: de cette braise
dont t'a calciné la brûlure,
toi rassasié, plus rien ne dure
que la cendre qui se disperse.
Muette inconstance qui presse
contre elle le sens prétendu
— ou de ton corps qui se reflète
en l'autre peau. je ne regrette
pas de brûler. Ni d'avoir pu.
*
A Rafael Rosado
Une épitaphe aux mots discrets
et pourtant narquois, nous rapproche
devant le néant qui s'approche
et n'a déjà plus de secret
pour toi comme pour moi. Décret
d'une déité attardée
en sa vengeance... Dégradée,
en cendres tu demeureras ;
avec un caillot comme drap :
morte mais non pas oubliée.
Tags : poèmes, Sarduy
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