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Par Tecna1 le 18 Mars 2007 à 19:10
1
Le feu des pierres illuminait les racines aveugles
Une offrande de cris où se mêlaient des voix montait du rose des collines
L'ombre tremblait
Le silence portait toujours les cicatrices de la foudre
2
L'ombre au matin circulait sous les pierres blessées d'un éclat bleu d'étoile
Le ciel était un long voyage de lumière
ou une main
ou l'attente des yeux
Innocence du jour premiers gestes du bois
du silence germaient les paroles de l'eau
3
La pluie tombait
odeur de songe de limon
odeur de noir
La pluie tombait
ciel sans visage
rainures du silence
Un arbre de glaise
cherchait son ombre
dans le gris
4
La terre alors se faisait femme
Les pierres y enfonçaient leur cri
et le ciel immobile pesait sur elle de tout son poids de siècles
Peu à peu la lumière touchait sa nuit et le silence des racines
Crépitements lueurs affleurante tendresse
partout germait la pluie des plantes invisibles
5
La solitude avait le masque de la pierre
la voix sourde du vent qui épelait le jour
D'un geste inachevé un arbre désignait
le matin et le soir
Des graines voyageaient
On entendait crisser le silence du sable
6
L'air luisait
miroir
terre ou ciel
feuilles
montagnes ou lumière
écume dans le bleu
lueurs d'eau poudre
en
voyage
pierres plumes
silence
jaune
Tout était l'autre et le même à la fois
7
Au loin passait le vent et sa rumeur de siècles comme des chaînes remuées
Quelque chose bougeait dans l'herbe
La nuit perdait un sang d'étoiles noires
Au matin le ciel nu était un fleuve de silence
8
Le vent gardait toujours la couleur de la nuit
Barbouillé d'ombre il portait des paquets de songes des feuilles du sable
traînait l'écho des pierres sur l'herbe rase des plateaux
Bousculant le silence rongeant le ciel d'un éclat de diamant
il ouvrait le chemin du jour
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Par Tecna1 le 12 Février 2007 à 10:37
Courbe du temps (1971-1972)
souvenons-nous toujours de la lumière
sur les fleurs roses du pêcher
de la lenteur des gestes
une main sur un front
de la lenteur des choses
cette lenteur terrible de la vie
comme une boucle qu'on dénoue
*
ce jardin où croissait l'anémone
transpercé de silence
nous l'habitons toujours
et chacun de nos gestes devient
un peu plus lent comme l'image
qui s'efface d'un geste ancien
inachevé
*
crois-tu que le bonheur habite le sourire
toi qu'un souffle bascule
en deçà de toi-même
tu n'entends pas le bruit que fait la pluie
ni l'appel jaune du coucou après l'orage
en toi les signes se dispersent
lueurs d'une eau qui s'évapore
*
écorce et sable le temps crisse
sur la mousse bleue d'un visage
qui écoute bouger les heures
dans un feuillage sans mémoire
la demi sonne au clocher mince
un homme incliné sur les blés
ne voit pas l'ombre remonter
des racines vers le feuillage
un très lent éclair le transperce
dont n'apparaît nulle blessure
*
quand le regard devient regard
la main s'arrête un peu
comme pour écouter
la lumière à quatre heures
est l'or déclinant d'un fruit
le ciel plus pur encore
que celui de l'enfance cachée
dans le vert tremblement des poires
sous l'arbre s'incline une tête
selon la courbe de sa vie
vivre vivre blessure lente comme neige
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Par Tecna1 le 8 Février 2007 à 10:15
Le songe et la blessure (1969-1970)
(Nocturne inachevé)
Aujourd'hui le temps saigne sur la vitre.
Un vent d'absence y vient mêler les cendres
d'on ne sait quel feu mort. Un volet grince
et claque par moment. On guette encore
cette rumeur de vie sous les échos
et la rumeur des jours, comme une eau lisse
où vient sauter la pierre. Mais on sait bien
qu'on ne pourra jamais l'entendre.
On reste là quand même, et l'on attend:
peu à peu le soir glisse sur la page,
couvrant les mots et la main qui les trace.
La lampe qu'on allume elle aussi saigne
et les mots s'illuminent un instant.
Puis tout s'éteint. Que crois-tu donc, poète,
qu'une lampe suffit à éclairer
la nuit têtue de l'encre et du destin?
Car tout retombe au centre de la page,
tout se brise toujours, telle la pluie
qui s'est mise à tomber contre la vitre.
On écoute pourtant: le long des murs
le temps suinte et coule; on se regarde
dans le reflet étrange d'un regard.
La nuit est une eau noire où flottent des
lambeaux d'espoirs, des lueurs, des regrets,
des voix perdues, des mains, un froissement
trouble et très lent d'images déchirées,
une lente agonie de chaque chose
en chaque chose et de l'homme en lui-même.
Une porte se ferme. Une fenêtre.
Dans le silence effrayant des paupières,
au bord du puits obscur de la mémoire
dont nul ne sait s'il pourra revenir,
tous se cachent pour perdre leur visage.
La nuit. Le lieu de l'impossible amour
où chaque fois nous nous brûlons en vain.
Tu me souris, mais tu es trop fragile
pour que sans te briser ma main te touche,
ô toi si proche, si lointaine, seule
à l'orée de ce songe où tu m'attends:
un jour de ciel, un silence d'oiseaux,
un champ de terre rouge et un cyprès
dressé contre le mur d'une maison de pierre,
un lent chemin que frôlent nos deux ombres
au cercle d'or d'un éternel été.
Mais on vieillit et le songe s'éloigne,
tel un écho de pas dans la rue vide,
léger mais persistant. La main se pose
sur la page inutile où çà et là
sont échoués les mots. Les yeux se ferment.
Il n'y a plus qu'à écouter encore
sous le silence et la cendre des heures
éparpillées, ce feu de la mémoire
craquant très loin, voix de flamme et de braise,
voix d'enfance et de mort. Le vent s'est tu,
la pluie aussi: il faut attendre l'aube.
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Par Tecna1 le 25 Janvier 2007 à 11:00L'autre pays (1964-1968) , Plein Chant, 1975.<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p>
</o:p>Une fontaine sèche où pousse l'herbe
et coule le soleil. La rue déserte.
Un chat passe sans bruit. Des escaliers
tordus sonnent dans la cendre des tuiles.<o:p>
</o:p>Un oiseau gris couve le long des murs
les œufs d'oubli que le temps a pondus.
Son cri parfois déchire la lumière,sanglant.
On s'arrête pour l'écouter.<o:p> </o:p>Rien ne bouge.
Des fleurs tremblent à peine
aux terrasses où s'écrase le ciel.
Sous les volets, sous le bâillon de l'ombre
des yeux obscurs s'allument en silence.<o:p>
</o:p>Plus haut, près d'une croix de pierre blanche
rongée de vent, veille la solitude.
Son pas brûlant rôde par les orties
à l'horizon des dernières demeures.<o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p>
</o:p>*<o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p>
</o:p>Sur la poudre des tuiles, l'oiseau s'ouvre
et se ferme. Son cri perce le ciel.
Du silence coule un visage obscur:
gouttes lentes dans l'ombre du cyprès.<o:p>
</o:p>Un visage? Peut-être un souvenir,
qui peut savoir? Le temps s'est égaré
dans la fumée des pierres qui s'effritent.
Le vent a fui, brouillant toutes les pistes.<o:p>
</o:p>Tout s'est figé en un profil sans âge.
Contre les murs des songes jaunissants
brûlent rongés d'insectes et de mouches.
L'haleine frôle les lèvres. Plus rien.<o:p>
</o:p>Seul ce visage aux yeux naissants,
la terrenue, déchirée, la blessure des pailles,
le jour muet où se crispent les choses,
la source éteinte dans la main qui se serre. <o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p>
</o:p>*<o:p> </o:p><o:p> </o:p><o:p>
</o:p>Bout du chemin que ronge le vent gris:
l'ombre et l'écho y sont le paysage
et ce silence nu, cristal sans âge,
miroir brûlé où le passé s'inscrit.<o:p>
</o:p>Paume de pierre encombrée des débris
immobiles du temps. Sur ton visage,
passe l'appel incertain des nuages
vers l'horizon pétrifié comme un cri.<o:p>
</o:p>Ton pas se tait tandis que le plateau
ferme sur toi son éventail de cendres.
Il n'est plus rien que le ciel sur ton dos<o:p>
</o:p>qu'un arbre mort qui seul semble t'attendre
en ce lieu nul où le néant dépose
l'écume obscure et la braise des choses.
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Par Tecna1 le 23 Janvier 2007 à 12:08
Zone Franche (1975-1980)
par-delà la douleur
la douceur
sans savoir où
aller
n'écoutant qu'une mouche
sur la vitre
peu à peu
dessiner
le lent effacement
*
marcher dans la lumière
jusqu'à ne plus rien voir
oublier jusqu'à son ombre
cassée
sur
chaque pierre
sans mots
être enfin nu
*
devenu ombre
et plus léger encore
porté
par quelques mots
venus ainsi
pour rien
(braises d'un feu absent)
ombre toujours plus et toujours plus lumière
*
quelque chose pourtant
l'odeur des feuilles au soir
un frôlement de cloches
le noir
la douleur qui soudain crispe
la main abandonnant
les mots
éparpillés
*
mot à mot perdant
ses visages ses
corps successifs
ignorant de lui-même
de tout ce qui l'entoure
ce jardin rien de plus qu'une phrase
ce silence cette table
qui grince sous la main
et cette page
ou s'effaçant
il apparaît
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