• Manuel Padorno



    Manuel Padorno, (Las Palmas, Grande Canarie, 1933-2002)  

    Pancanarie

    Le chien est là en-dessous de la flamme
    tout au fond du magasin, sous la chaux, audible,
    il aboie en-dessous, mange du sel,
    flamboie sous la paille fondue, il lèche
    l'animal là en bas fleuri et libre
    en-dessous de la pierre qui tombe, tiède,
    par-dessus le lit, pendant qu'il aboie
    il descend furieusement sur son flanc
    éclatant, océanique, en silence
    derrière, derrière, en-dessous de sa bouche,
    aboie muet, marche couché, gémit
    vers le chien éveillé dans le lointain,
    derrière le mur, mange lentement
    (il boit la mer le chien quand il renifle
    têtu) sous son oreille retombée
    affamé de salpêtre il boit la boue
    nocturne et terrestre, sort déchaussé,
    piétine, seul, la chaux bleue de la baie,
    sel éparpillé, grillé, et il tombe
    endormi pendant qu'il se lève, aboie
    muet profondément là vers le bas
    continental et canarien, le chien,
    il fume très longuement silencieux,
    il hurle en silence la lumière.
                      (El animal perdido todavía, 1987)




    La mouette extérieure

    Je suis descendu vers la plage ouverte
    je me suis baigné dans mon sel céleste
    (dans la flamme au dedans giratoire)
    dans l'éclat terrestre, terrien et mien
    et dans la mer, m'enfoncer lentement
    là-bas tout à l'intérieur du jour bleu
    au dedans de la plage qui s'ouvrait
    l'arbre de lumière, l'incendie haut
    immobile où la mouette fixe raye
    le cristal étiré de l'horizon ,
    fracasse la clarté éblouissante
    et sort, là-bas, à l'extérieur du jour.
                      (El animal perdido todavía)


    Arbre extérieur

    Devant dans toute sa force il y avait
    l'arbre que jamais on ne voyait. L'arbre
    dans la lumière, l'arbre blanc. L'arbre
    d'ascendance végétale lumineuse et visible.
    Seul visible par quelqu'un d'endormi.
    Quelqu'un qui palpe le sommeil du feu,
    la flamme d'eau, le tremblement de l'eau
    dans la végétation du jour profond et bleu
    (sans tronc, branches, ni fruits ni feuilles)
    là dehors sur la mer, dans l'incendie.
                      (El hombre que llega al exterior, 1989)




    La mouette, en dehors

    C'est un vol qu'on ne voit, qu'on n'entend pas,
    immobile, jamais encore on ne le voit,
    on l'ignore toujours, elle vole lente,
    immobile, sur la plage elle vole à présent
    première mouette solitaire, loin
    posée sur la ligne de la mer, immobile
    au-dessus de la roche éparpillée
    sur la baie, en moi, si lente
    c'est le vol qu'on ne voit, qu'on n'entend pas
    naturellement physique, visible, audible,
    de l'autre côté de la lumière, en dehors,
    en dehors de la lumière, aux intempéries,
    c'est un vol dans l'ignorance, ignée
    la mouette réelle, avec certitude
    c'est un vol sous la pierre: on ne la voit,
    ni ne l'entend. Elle vole là-haut.
    Par-dessus la plage une mouette blanche.
    Sur Peña la Vieja elle vole immobile
    le territoire le plus inconnu, dedans.
    La petite fille nue court dehors
    plage inconnue doucement et elle entre
    dans la mer, sous la vague lumineuse,
    l'air tranquille, la houle qui fleurit.
    Je regarde la plage. Une mouette vole
    claire parfaitement. Et ténébreuse.
    Je regarde la plage. Le soir tombe.
    Une mouette immobile dehors vole.
                       (El animal perdido todavía)



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