• Emilo Prados: poèmes

     



    Emilio Prados, Espagne (1896-1962)

    Poèmes

    Corps poursuivi (1928-1929)

     II

    J'ai fermé ma porte au monde ;
    ma chair s'est perdue dans le rêve...
    Je suis resté en moi, magique, invisible,
    nu comme un aveugle.
    Jusqu'à l'extrême bord des yeux
    je me suis illuminé par dedans.
    Frémissant, transparent,
    je restais sur le vent,
    telle une coupe claire
    d'eau pure,
    comme un ange de verre
    dans un miroir.

    III

    Je voudrais être par où je suis passé
    comme une branche, comme un corps ;
    comme dans un rêve, comme dans la vie ;
    comme privé de front, et sans ombre ;
    comme une main, comme l'eau ;
    comme sur mes lèvres, comme dans l'air,
    là où je ne sais si j'ai été, ou vais être, ou suis,
    si l'arbre m'y a conduit,
    comme je ne sais si je suis, si je vais être ou peut-être serai,
    ou si tout est comme le ciel.
    Le seuil de mon sang
    s'est ouvert dans mon sang.
    Sans corps déjà mon corps
    traverse mon corps...
    Je voudrais trouver ma loi
    ma fonction également, comme l'air,
    ma blancheur également
    comme une lumière, une blessure,
    de même qu'une fatigue, un ange également.



    Jardin clos (1946)


    Trois nostalgies du jardin fermé

     I


    Soleil et plaines

     Les champs, les champs, et puis les champs...
    — Mais les oliviers ?
    (Et mon cœur rêvant.)

    Les champs, les champs, et puis les champs...
    (Qu'est-ce qui me poursuit, Dieu,
    qu'est-ce qui me poursuit ?)
    Les champs, les champs, et puis les champs...
    — Mais où la mer ?
    (Et mon cœur pleurant.)
    Les champs, les champs, et puis les champs...

    II


    Mont obscur

    Le soir tombe déjà...
    Et le vent :
    il secoue, secoue le romarin,
    le vent!
    — Ah! Qu'il est vaste
    tout le ciel sans le vent!


    La nuit vient déjà...
    Et le vent :
    il secoue, secoue le romarin,
    le vent!
    — Ah! Comme elle brille
    l'étoile sans le vent!
    La nuit est déjà dans le champ...
    (Qu'elle est lente
    l'eau qui va au fleuve,
    qu'elle est lente!)
    Et le vent :
    il secoue, secoue le romarin,
    le vent!

    III

    Les champs ouverts

    Sur l'olivier, la grive ?...
    — le silence dans les oliviers.

    — Et maintenant que nous sommes dans le rêve,
    je voudrais te dire, olivier...

    (La grive s'envole...
                                         les champs, les champs)


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