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    VIENT DE PARAÎTRE

    Jacques Ancet 

    La vie, malgré

     

    Lettres Vives

     

    La vie, malgré. Malgré quoi ? Malgré tout. Tout ce qui l’obscurcit, la salit, la détruit. La vie malgré la douleur, la déchéance, la mort. Au jour le jour. « Chronique », donc. Comme cette Chronique d’un égarement dont ce livre est en quelque sorte un prolongement. Ou « journal », si l’on préfère. Journal du temps. Car ces pages relèvent essentiellement du journal, de cette écriture non pas des événements de ma vie, de mes sentiments, de mes pensées, mais du jour, de sa lumière, de son perpétuel recommencement — de cette extase ou Amnésie du présent, pour reprendre le titre d’un essai récemment paru. Journal, oui, de l’énigme d’être là, d’être vivant. Comme, à propos du poème, et à sa manière inimitable, Mallarmé l’a, en son temps, si parfaitement formulé : « Tout le vol vital de traits composant ces chants brefs, équivaut, sitôt leur évanouissement, au plus transparent silence, muet comme l’émotion de vivre. »

     

     

    Suivre le murmure

     

     

    On ne se bat pas — on est le champ de bataille. D’ailleurs, contre qui, se battre ? On ne sent rien, on ne voit rien, on n’entend rien. Dehors, rien n’a changé : l’air et le visage qui sourit. Et tout semble si tranquille. C’est dedans que ça se bat — et on suit : on ne fait que suivre.

     

     

     Comment dire moi, puisque moi — comment dire — ça n’est pas moi ? Une pluie d’éclats et d’ombres, comme un feuillage agité par le vent. Un sommeil, un  éveil confondus, des visions — montagne table, vent, pieds croisés — un aveuglement, oui. Et comment ne pas dire ce vacillement bref : quelque chose se tient là — quelque chose n’est plus là.

     

     

     Quelque chose qui ? Le pli obscur ? Quelque chose quoi ? Lente, obstinée, la pluie qui dure ? Ce qu’on cherche est là. Mais où ? Dans la lueur des gouttes ? Dans les mots qu’on écoute ? Qu’entend-t-on ? Que voit-on ? Les oreilles sont des yeux. Dedans, pourtant, n’a pas d’oreilles. Ni de bouche. Dedans, c’est dehors. On y est sans y être. On y entend la voix ? Et que dit-elle ?

     

     

     Elle dit ce qu’elle dit. Et ce qu’elle dit, c’est elle. On l’entend sans l’entendre. On plaisante, on rit, elle est là. Et quand on croit se taire, c’est elle qui parle. Elle ou lui ? Ni l’une ni l’autre. En silence elle luit. Met du clair sous les mots. Traverse le jour, veille la nuit, s’arrête dans une image : gravier laurier, un peu de vent. On la reconnaît, elle vient de loin — ou de tout près, c’est pareil.

     

     

     Elle dit : ne regarde pas, écoute. C’est comme si elle tendait la main et pourtant ne montrait rien. Ou une confusion de couleurs et de formes. Et quelque chose comme un vent qui les traverse, les éparpille. Ecoute, oui, écoute. Laisse les images, suis le murmure.

     


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