• La dernière phrase

    La dernière phrase 


     


     


     


    La dernière phrase
    (2000-2001) Lettres Vives, 2004.<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> 

    </o:p>
    <o:p> </o:p>3<o:p> 

    </o:p>
    Il n'y a ni drame ni déchirure.
    On dirait dans le jour un infime
    vertige. Rien ne change mais tout
    vacille. Ce qu'on voit, on le voit
    comme s'il venait de s'absenter
    et que chaque objet portait encore
    une trace de ce qui s'éloigne.
    Un peu de chaleur avant le froid.
    Une attente qui n'attend plus rien.<o:p> 

    </o:p>
    *<o:p> 

    </o:p>
    Ou qui attend trop pour s'achever.
    Tous les agendas sont périmés
    c'est pourquoi on l'oublie. On se dit
    que rien jamais n'a eu lieu. Pourtant
    quelque chose se trame, on le sait,
    si loin, si proche qu'on ne sent rien.
    Ou si peu: ce souffle dans le souffle,
    et dans les yeux qui ne le voient pas
    l'image noire qui rend aveugle.<o:p> 

    </o:p>
    *<o:p> </o:p>On regarde aussi pour lui le gris
    qui éteint les couleurs, la lenteur
    arrêtée des feuilles sur le ciel.
    On recommence la page vide
    d'un temps qu'il ne pourra plus rejoindre.
    Il est resté là au bord des jours.
    On croit l'avoir oublié, ailleurs,
    mais sous les yeux, soudain, il revient.
    On le voit: on ne le regarde pas.<o:p> 

    </o:p>
    *

    On se dit qu'il faut bien qu'il soit là,
    quelque part, pour qu'on ait ce regard
    si proche de ce qui se défait.
    On se dit qu'il avait dû aimer
    ce qui lui aussi le traversait
    comme ce vent qui couche l'espace,
    le rend visible. On se dit qu'alors
    il n'est pas complètement parti
    puisqu'on peut voir encore le ciel.<o:p> 

    </o:p>
    *

    Quelque part, peut-être nulle part
    on entend une voix. Elle parle
    et son murmure fait un peu d'ombre.
    On dirait un bruissement de feuilles,
    quelque chose qui serait au bord
    de vivre ou, avec le soir venu,
    qui parlerait tout près de l'oreille.
    Parfois on ne l'entend plus. On cherche.
    On appelle en silence. On écoute.<o:p> 

    </o:p>
    *

    Mais l'écoute est traversée de temps.
    Il y a des paroles. Il disait:
    les Havres gris, ah! les Havres gris,
    j'en ai presque pleuré. On sentait
    passer comme une fraîcheur d'enfance.
    Les dernières pages: on les regarde.
    On les voit si loin que ni les mains
    ni les yeux, rien ne peut les toucher.
    On attend. Quelqu'un vient de sortir. <o:p> 

    </o:p>
    *

    Lui, le désir ou la peur, c'est lui
    dans la cendre arrêtée de novembre.
    Il faudrait retrouver les genoux,
    le regard clair de cette imminence
    où seule se tient la vie, éclair
    et noir aussitôt. On l'appelle encore
    dans un silence de mots qui bougent.
    On lui dit reviens un peu. Bien sûr
    il ne répond pas. Les mains sont froides<o:p> 

    </o:p>
    *

    On s'enfonce dans le soir. On cherche
    ce qui n'est pas, comme un ricochet
    (éclair et cercles lents) sur l'eau noire.
    Des jours se sont perdus, des années.
    On ne retrouve qu'une clarté jaune
    et plus rien d'autre pour l'atteindre
    dans le mirage de la mémoire.
    On compte sur les doigts quelque chose
    qu'on ne peut pas compter. On s'arrête.<o:p> 

    </o:p>
    *

    Une lente sécrétion de mots
    accompagne sa disparition.
    On voudrait croire qu'ils le retiennent
    mais non. Chacun l'efface un peu plus
    parce qu'il dit le jour qui s'en va,
    l'ombre qui tombe, le froid aux pieds.
    Pourtant, quelque chose ne meurt pas.
    Même trop tard, c'est ce qui insiste,
    un sursaut, un geste dans un geste.<o:p> </o:p>

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