Par
Tecna1 dans
Livres disponibles le
7 Janvier 2007 à 16:33
La chambre vide (1989-1995), Lettres Vives, 1995.
L'indifférence
Quelque chose tombe avec le soir.
La brume est une attente :
elle monte peu à peu
disperse la lumière.
Un train emporte la mémoire.
Je souffre de ce qui nous
Sépare.
Je te regarde.
*
Et maintenant
disent les mains.
Le jour vient.
Le matin est un éclair.
Entre ce qui s'ouvre
et ce qui se ferme,
tu es la charnière :
la limite que je n'atteins pas.
*
Dans l'amour, les corps
se détruisent et s'illuminent.
(L'heure est un fruit de lumière)
Soudain, ils sont plus grands
que leur image, plus beaux
mais ils s'effacent.
Ne reste qu'un miroitement
de visages, un silence de mains,
des membres qui s'éparpillent
noirs dans la foudre blanche.
*
L'amour qui nous traverse est une eau courante.
Nos corps flottent, tremblent, se dispersent.
Reste une buée aux couleurs du jour ou du soir qui descend.
Comment dire ces choses ?
Le temps n'est même plus un mot.
Chaque instant est tous les instants.
Dans la lumière noire
seules les mains voient
la fontaine des formes.
*
Le moment où la nuit pénètre le jour
est invisible
comme les deux corps qui s'aiment et s'oublient.
De longs silences les traversent
plus musique que la plus pure musique,
un espace pour disparaître et demeurer pourtant.
Ils ne savent que l'instant
qui n'en finit pas d'être l'autre,
ils ne savent que le sang dans la lenteur des mains,
dans la moiteur de l'impossible
le lent éclair qui trace et foudroie leur image.
*
Nos corps sont une flamme
des gestes s'y consument.
Même la nuit
le jour commence.
Nous sommes l'indifférence.