• Journal de l'air

    Journal de l'air (1998-2000) Arfuyen 2007 (à paraître)

    Cinéma muet


    Le soir tombé avec le noir, l'eau qui durcit et craque. Au cinéma muet de la vitre tout revient comme une première fois, visages gestes, lueurs. Quand tu te retournes c'est une nuit d'il y a longtemps, la rue avec les rires les voix, une sorte d'éclat froid qui brille dans le ciel et les yeux du malheur.


    Elle vient. Alors on voit le jour qui vacille s'éteint. On la sent tout près. Comme une brume qui couvre l'espace. Les objets se dispersent. On ne reconnaît plus que l'image, le cercle de la lampe et le livre. Les mains, elles, poursuivent le corps qui se cache quelque part, mais où ? On ne peut plus savoir : elle vient.



    Le paysage n'a pas bougé. Sur la vitre, à côté des images, ce qu'on ne sait pas. Sinon comment être là dans le trop-plein des choses sans disparaître ? On voit des nuages, une clôture et au bout du champ, près d'un sapin le vide des mots. Très vite le regard se défait. Quelque chose traverse les yeux.


    Tu espères toujours, mais l'espoir est l'autre face de l'illusion. Que tu regardes autour ou en toi c'est le même mur de mots, d'images. Il est là jusque dans ton sommeil. Tu aimerais pouvoir le traverser. Pourtant tu sais très bien que le monde se referme comme une mâchoire. Ton visage se couvre de sang.


    Arbres cassés, toits arrachés, plus de réseau, plus rien c'est le vide. Tu es seul. Tu écoutes. Ca souffle maintenant. Tu dis : c'est quelque chose, c'est le vent et ce n'est pas le vent.  Comme chaque nuit au fond des rêves, dans les peurs sans visage, les cris sans bouche, dans le noir qui remonte, c'est là. Mais qui le voit ? Qui l'entend ?


    C'est la neige. Le monde s'efface. Quelques signes subsistent : résille ou grillage, piquet vertical et de part et d'autre, un paysage double, buée, blancheur. Les noms s'y perdent. Le corps entre dans l'infime. Comme si lui aussi s'effaçait dans la clarté sans éclat. Demeure le souffle, une fenêtre, l'oubli.


    Le soir est une vapeur soufflée par une bouche invisible. Le beau c'est ça, dis-tu, ce qui te traverse, te déchire, ce qui t'abandonne (comme ces deux oiseaux de passage) à l'éclat d'une heure où le corps brûle et s'efface. Une sorte d'image vide : un front posé sur une vitre et sa buée d'il y a longtemps.
    Quelque chose comme un appel d'air, une effervescence minuscule, moins même, on ne sais pas trop. Les choses se sont figées : l'eau dans la bouteille, la nuit sur la vitre. Tu t'es mis à compter les battements du cœur, les jours, les crayons, n'importe quoi pourvu que ça bouge. Ta bouche se perd dans les nombres. Tes mains tremblent.
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