• VIENT DE PARAÎTRE

     

     

     

    Rodolfo Alonso

     

    Entre les dents

     

     traduction de Jacques Ancet

     

     

    PO&PSY/ERÈS

     

    Exordre

        Traducteur, essayiste, critique et, avant tout et surtout, poète, Rodolfo Alonso a publié plus de vingt livres de poésie. Le titre du premier, qui réunit des poèmes écrits dès l’âge de 17  ans, annonce l’obsession centrale de cette voix unique : le salut ou rien. « Je veux être / de ceux qui aiment la vie / de ceux qui sont la vie /  incandescente inimitable ». Depuis plus d’un demi siècle, cette voix cristalline célèbre l’existence, structurant sa parole comme une spirale toujours plus ouverte. La spirale, a dit sor Juana, est la véritable représentation de la beauté.
        La beauté constitue la musique de ces poèmes, travaillés avec une rigueur formelle, imaginative et conceptuelle exceptionnelles. « Je vous invite / à promener l’amour parmi les indifférents », propose Alonso.  Son éclat provient sans aucun doute d’un sous-sol de douleurs et de saletés du monde qu’il a su écraser sous ses pieds à grands coups de beauté. A une époque toujours plus inhumaine comme celle qu’il nous est donné de subir, blessée par ce génocide plus silencieux que celui des fours crématoires mais non moins terrible qu’est la faim, sa poésie fait feu contre les ministres de la mort et attend le temps « où le mot amour n’aura pas besoin d’être prononcé ». Paraphrasant René Char, elle ne permet pas que les chemins de la mémoire soient couverts par la lèpre des monstres.
        Rodolfo Alonso, en véritable poète, donne un nom à ce qui n’a pas encore de nom. Sa poésie pousse sans être protégée de ce qui va venir et elle est pleine d’hommes et de femmes : « les chaînes / les mains des autres », lui font mal. Elle voit la parole d’autrui et l’accueille, la transforme, la calcine pour la rendre plus pure à l’autre. Elle interroge le mystère et trouve les labyrinthes de l’énigme. « Le bien et le mal forment pour toi un seul méridien ». Elle se pense elle-même et, pour se connaître, s’ignore. Son invention élargit l’invention de l’horizon.
        Je souhaite au lecteur de découvrir bientôt son œuvre entière : il entrera dans d’autres territoires de « Madame la Vie », où « le bel amour / reste et triomphe ». L’éclat de son écriture, œuvre d’une sobriété qui est matière, éclaire les temps obscurs, « réchauffe le cœur / du monde ».

    Juan Gelman



    HERBE SORCIÈRE

    les yeux ouvrent
    la fête

    l’eau claire de tous
    l’air
    la lumière pure

    que serait
    la vie
    sans musique


     


    LA RÉCOLTE

    oh saveur
    je ne te couvre plus de mes mains
    je ne peux ouvrir les portes de tes yeux
    je suis aveugle
    je tombe
    la mesure de ma douleur
    est mon châtiment

     


    LA MISÈRE L’ORGUEIL L’ESPÉRANCE

    difficile à toucher

    elle a un pas de soif
    des mains d’eau

    tiède

    dans le vent

    elle a de la lumière
    elle a du cran

    cette dure espérance

     

     

     


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